Des offres de crédit plus accessibles dans un contexte de tensions sur le pouvoir d'achat ?
Dans le contexte actuel de tensions sur le pouvoir d'achat, les consommateurs sont en attente d'offres plus accessibles. Quelles réponses les établissements bancaires pourront-ils apporter ?

2022 est à bien des égards une année atypique... en premier lieu du fait de la remontée des taux des OAT à 5 ans au cours des derniers mois, pour la première fois depuis des années.
Atypique également car pour la 1ère fois depuis 5 ans les taux d'intérêts proposés aux consommateurs sont repassés au-dessus des références an-1 alors que jusqu'à présent le mouvement baissier ne s'était pas démenti.
Atypique enfin car après l'euphorie de 2021, le climat s'est totalement retourné, miné par l'inflation, les conflits géopolitiques et inquiétudes plus globales sur l'activité économique et sur le pouvoir d'achat des ménages...
Un tableau macroéconomique contrasté
Jusqu'à présent, l'inquiétude ambiante ne s'est pas concrétisée dans les chiffres :
- le chômage est relativement bas par rapport aux années précédentes (7,3% à fin T1-2022) et devrait se maintenir à ce niveau au cours de l'année
- la croissance reste soutenue : estimation Insee à 2,3% pour l'année 2022, reprise par la Banque de France(1) dans ses "Projections macroéconomiques - juin 2022"
Plusieurs éléments viennent pourtant contrebalancer ce tableau macro :
- le pouvoir d'achat des ménages recule et la Banque de France estime que son érosion sera de l'ordre de -1% sur l'année 2022
- l'inflation s'établit à 6,1% sur 1 an à fin-juillet 2022 et continue d'éroder le pouvoir d'achat des ménages, tout en les dissuadant de réaliser certains de leurs projets
- la consommation des ménages est en berne au 1er trimestre 2022 à -1,3% et en léger recul au 2nd trimestre 2022 à -0,2%.
- du côté des biens d'équipement durables, le net recul des ventes automobiles est à souligner : juillet-22 est le 14ème mois de baisse consécutif pour les ventes de véhicules neufs (-7% vs juillet 2021 et -15,3% en cumul à fin juillet 2022 vs cumul à fin juillet 2021) et le 8ème mois de baisse consécutif pour les véhicules d'occasion (-19,5% vs juin-21) - voir notre article "Crédit à la consommation : quelle dynamique de production dans les prochains mois ?" pour plus de détails sur l'érosion des ventes auto.
Le crédit à la consommation est généralement considéré comme un indicateur avancé des conditions économiques à venir. Dans ce contexte de morosité on aurait pu s'attendre à ce que ses performances soient moyennes... mais il n'en est rien !
Hausse d'activité notable pour le crédit à la consommation au 1er semestre 2022
Les chiffres publiés par l'ASF (2) à fin mai montrent l'engouement du public pour le crédit à la consommation :
- la production cumulée de crédits à la consommation des adhérents de l'ASF s'établit à 19,8 milliards d'euros entre janvier et fin mai 2022 (+12,1% vs an-1).
- En matière de nouvelle production, les prêts personnels avec 6 Mds€ (+ 19,3% vs an-1) et le crédit renouvelable avec 3,8 Mds€ (+20,5% vs an-1) tirent leur épingle du jeu.
La Banque de France remonte également une production cumulée à fin juin en hausse de 4,7% (36 milliards d'euros en cumul de janvier à juin 2022) et un encours global de 197,6 Mds€ à juin-2022, en progression de 2,7% par rapport à juin-2021.
Les résultats semestriels à fin juin-2022 diffusés par les principaux groupes bancaires vont également dans ce sens et confirment une hausse notable de l'activité de crédits à la consommation sur le marché français :
- Réseau Banques Populaires (3) : hausse de l'encours de crédit à la consommation de +5,3% (13,1 Mds€ à fin juin-22)
- Réseau Caisses d'Epargne (3) : hausse de l'encours de +5,4% (19,6 Mds€ à fin juin-22)
- Caisses Régionales de Crédit Agricole (4) : hausse de l'encours de +3,3% (22,5 Mds€ à fin juin-22)
- LCL (4) : hausse de l'encours de +4,9% (8,4 Mds€ à fin juin-22)
- BNP Paribas (4) : hausse de l'encours de +5,9% (11,5 Mds€ à fin juin-22)
- La Banque Postale (3) (4) : hausse de l'encours de +4% (5,5 Mds€ à fin juin-22)
- CIC (5) : encours en hausse de +2,8% (6,1 Mds€ à fin juin-22)
- Caisses de Crédit Mutuel (6) : encours estimé compris entre 6 et 6,8 Mds€ à fin juin-22
Le crédit à la consommation : un recours face aux difficultés de pouvoir d'achat ?
Au coeur des préoccupations des Français, le pouvoir d'achat souffre et la tentation a été forte pour les consommateurs de recourir au crédit. Depuis plusieurs mois, il est pratiquement impossible de passer à côté des articles et reportages qui évoquent les difficultés quotidiennes des ménages et leur recours au crédit pour réaliser certaines dépenses qu'ils ne peuvent plus payer cash.
On comprend bien la logique pour les projets importants, ou les imprévus, puisqu'il s'agit des ressorts classiques du crédit à la consommation mais elle s'applique désormais à des montants plus modestes.
Pour s'en convaincre, on peut évoquer :
- le boom du BNPL à l'oeuvre notamment depuis le confinement,
- le développement des offres de "mini-crédits" instantanés : Coup de Pouce de Floa Bank, Clic de Boursorama Banque, Flex de LCL, et les nombreuses fintechs lancées sur le sujet
- la hausse des utilisations de crédits renouvelables (+20,5% vs an-1 en cumul à fin mai-2022, uniquement sur le périmètre ASF),
- l'engouement pour les offres locatives, que ce soit dans l'automobile ou pour d'autres catégories de biens d'une valeur plus réduite
Ces éléments témoignent plus généralement de l'appétence du public pour des financements plus indolores sur leur budget mensuel, ce que l'on pourrait traduire comme ceci : étaler les remboursements (ou les paiements...) afin de réduire les mensualités.
En d'autres termes, bénéficier d'offres de financement plus accessibles.
Quelle réponse de la part des établissements bancaires ?
Nulle doute que les établissements financiers ont bien compris cette attente, et ce depuis longtemps puisqu'une batterie d'offres a vu le jour afin de répondre à ce besoin, notamment pour les petites dépenses jusqu'à 3000€.
Cependant pour les projets plus conséquents, ce besoin d'accessibilité via des remboursements mensuels plus faibles commence également à être adressé : certaines annonces récentes vont dans ce sens, notamment concernant les offres de LOA auto.
La LOA se positionnait déjà à l'origine comme un produit favorisant l'accès à des automobiles plus chères que celles auxquelles un crédit amortissable classique permet d'accéder (dans une majorité de cas, les mensualités permises par un financement LOA sont moins élevées qu'un financement en crédit amortissable).
BNP Paribas Personal Finance a ainsi annoncé début juin le lancement d'une offre de LOA pouvant aller jusqu'à 120 mois (10 ans) destinée à permettre aux foyers les plus modestes d'accéder à des véhicules éco-responsables, plus chers que les véhicules thermiques.
CGI Finance, lui a emboîté le pas en annonçant également le lancement d'une nouvelle offre de LOA sur 7 ans, baptisée "Eco2LOA".
Du côté du prêt personnel, les banques et établissements financiers ont opté pour des ajustements de gamme. Pour rendre leurs offres plus accessibles, certains acteurs ont déplafonné leurs grilles en augmentant les montants maximum, quand d'autres ont légèrement augmenté leurs durées maximum...
Voici quelques exemples (7) :
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Orange Bank
- Les durées maximums des crédit véhicules d'occasion ont été augmentées à la mi-juin, passant de 60 mois à 72 mois pour les montants compris entre 5.000€ 24.000€ et de 60 mois à 84 mois pour les montants à partir de 25.000€
- La durée maximum des prêts personnels divers est passée de 60 à 72 mois à partir de 5.000€ et le plafond de ces prêts a également été augmenté, passant de 25.000€ à 50.000€ pour une durée maximum allant jusqu'à 84 mois
- En revanche la durée maximum des crédits de 3.000€, quel que soit le projet, est passée de 60 à 36 mois
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Cetelem (BNP Paribas Personal Finance)
- Fin juin, la durée maximum des prêts de 3.000€, quel que soit le projet, a été portée de 36 à 84 mois sur le simulateur.
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Maif / Matmut
- Fin-juillet, la durée maximum des offres de 2.000€ a été portée de 36 à 48 mois sur le simulateur.
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Boursorama
- Courant mai, la grille des offres travaux a été ajustée afin que les durées maximum de 84 mois puissent être proposées sur les montant de 30.000 € (jusqu'alors cette durée était ouverte à partir de 31.000€)
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Crédit Mutuel
- La durée maximum des offres auto (neuf / occasion) est passée de 60 à 72 mois depuis fin janvier 2022.
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La Banque Postale
- Le plafond de simulation en ligne des offres de crédit auto d'occasion a été relevé de 30.000€ à 35.000€ à la mi-avril, jusqu'à 72 mois
- En revanche la durée maximum des crédits de 5.000€ est passée de 60 à 48 mois pour les véhicules d'occasion ; de 72 à 60 mois pour les véhicules neufs ; de 84 à 72 mois pour les travaux
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Financo
- Le plancher des offres travaux a été réhaussé dans la 2ème quinzaine de juin, passant de 5.500€ à 7.000€

Que constate-t-on ?
- La majorité des acteurs ayant fait évoluer la structure de leurs offres l'ont fait par petites touches et pas de manière massive
- Les changements les plus conséquents ont été opérés sur des grilles qui étaient moins accessibles que celles de la concurrence
Si, il y a quelques années, les durées maximums tournaient généralement autour de 60 à 72 mois selon les projets, elles se sont aujourd'hui largement déportées vers 84 mois :
- Les acteurs qui proposent déjà massivement des offres sur 84 mois ont moins de marge de manoeuvre pour aller plus loin,
- parmi les acteurs qui proposent des durées de 84 mois avec grande parcimonie, 2 banques (mentionnées plus haut dans les exemples) ont justement consenti à des déplafonnements
A l'issue des ajustements évoqués ci-dessus, voici comment se répartissent les sociétés suivies au sein du panel Squirrel en matière de durée maximum (7) :
- 46% des sociétés du panel proposent une durée de 84 mois sur plus de 90% des offres (seuls les petits montants sont exclus des durées 84 mois)
- 23% du panel propose une durée de 84 mois sur 30% à 60% des offres (celles-ci sont proposées uniquement pour certaines projets - généralement véhicules neufs et travaux - et/ou uniquement à partir de montants élevés)
- 21% des sociétés proposent une durée de 84 mois sur 20% à 30% des combinaisons (uniquement pour un nombre restreint de projets - auto neuve et/ou travaux - ET uniquement à partir de montants élevés)
- 5% des sociétés proposent une durée de 84 mois sur moins de 20% des combinaisons
- 5% des sociétés ne proposent pas d'offres sur 84 mois
Accessibilité des offres : quelle évolution à partir de septembre 2022 ?
Le climat général va sans doute s'alourdir à la rentrée, qui concentre pas mal de craintes quant à l'évolution de l'inflation. Qu'adviendra-t-il alors des velléités de consommation des ménages et de la situation macroéconomique ?
En ce qui concerne le marché du crédit à la consommation, après les bons résultats du 1er semestre, la question de la pause se pose. Avec déjà certains éléments concrets pour l'étayer :
- Parmi les exemples d'ajustement des plafonds de grille vus plus haut, une minorité d'ajustements a visé à restreindre l'accessibilité des offres de petits montants (en-deçà de 5000€).
- L'un des leaders du crédit à la consommation en France et en Europe a annoncé un resserrement de son score sur les profils les plus risqués à partir de début août. Combien de banques et établissements financiers lui ont déjà emboîté le pas ou le feront prochainement ?
Sources :
- (1) Banque de France : "Projections macroéconomiques - juin 2022"
- (2) Association Française des Sociétés Financières - Enquête mensuelle crédit à la consommation - 30 mai 2022
- (3) Athling - #laminutecreditconso
- (4) Rapports semestriels S1-2022 de BNP Paribas, Crédit Agricole SA, La Banque Postale
- (5) Rapport semestriel S1-2022 Crédit Mutuel Alliance Fédérale - l'encours CIC est en grande majorité constitué de l'encours Français mais inclue également les encours issus des bureaux de représentation CIC à l'international.
- (6) Estimation Squirrel à partir des chiffres publiés dans le rapport semestriel S1-2022 Crédit Mutuel Alliance Fédérale
- (7) Données Squirrel